La responsabilité du fabriquant de médicament est-elle engagée en cas de notice d’information incomplète ?  

La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt retenant la responsabilité du fabriquant en raison d'une notice incomplète du médicament commercialisé.

L'absence dans la notice d'information sur un risque d’effets indésirables d’une particulière gravité traduit un défaut de sécurité du médicament qui peut engager la responsabilité de son fabricant.

Mme X. souffre, depuis l’âge de 11 ans, d’une épilepsie généralisée, traitée par Dépakine.Envisageant. Qu’envisageant une grossesse, il lui a été conseillé de poursuivre ce traitement, accompagné de la prise d’un autre médicament. Elle a donné naissance à un enfant qui présente un syndrome malformatif général, caractérisé, notamment, par des anomalies des membres supérieurs et une microphtalmie. Elle a assigné en responsabilité et indemnisation la société productrice du médicament.  

Dans un arrêt du 20 novembre 2017, la cour d'appel d’Orléans a jugé que l’ensemble des séquelles présentées par l'enfant relève d’une fœtopathie à la Dépakine et engage la responsabilité de la société.  Les juges du fond ont constaté que les nombreux effets tératogènes du Valproate de sodium, principe actif composant la Dépakine, et, parmi eux, des cas de malformation des membres, ont été régulièrement mentionnés dans la littérature médicale de l'époque et que, selon la fiche du dictionnaire Vidal consacrée à ce médicament, "quelques cas de dysmorphie faciale et d’anomalie des membres ont été rapportés ".  

Ils ont relevé que la présentation de la Dépakine, dans la notice destinée aux patients, ne contenait pas l’information selon laquelle, parmi les effets indésirables possibles du médicament, il existait un risque tératogène d’une particulière gravité.

La cour d’appel en a déduit que ce produit n’offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s’attendre et a décidé que le médicament litigieux était défectueux. La Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d'appel et rejette le pourvoi de la société sur ce point, le 27 novembre 2019. Elle rappelle que, selon l’article 1386-4, alinéas 1er et 2, devenu 1245-3, alinéas 1er et 2, du code civil, un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.  

Or, dans l’appréciation de celle-ci, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Extrait de l’arrête rendu le 27 novembre 2019 par la première chambre civile de la Cour de cassation :  

« Mais attendu que, selon l'article 1386-4, alinéas 1er et 2, devenu 1245-3, alinéas 1er et 2, du code civil, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ; que, dans l'appréciation de celle-ci, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ;  

Attendu que l'arrêt constate, par motifs adoptés, que les nombreux effets tératogènes du Valproate de sodium, principe actif composant la Dépakine, et, parmi eux, des cas de malformation des membres, ont été régulièrement mentionnés dans la littérature médicale entre 1986 et 1995 et, par motifs propres, que, selon la fiche du dictionnaire Vidal consacrée, dans son édition 2001, à ce médicament, « quelques cas de dysmorphie faciale et d'anomalie des membres ont été rapportés » ; qu'il ajoute qu'à la date des faits, la notice de la Dépakine était ainsi rédigée : « En cas de grossesse ou de désir de grossesse, prévenez votre médecin. En effet, votre traitement devra éventuellement être adapté et une surveillance particulière devra être mise en route. Au moment de la naissance, une surveillance attentive du nouveau-né sera nécessaire. Prévenez votre médecin de la prise de ce médicament si vous souhaitez allaiter » ; qu'il relève que la présentation de la Dépakine, dans la notice destinée aux patients, ne contenait donc pas l'information selon laquelle, parmi les effets indésirables possibles du médicament, il existait un risque tératogène d'une particulière gravité ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches prétendument omises, a pu en déduire que ce produit n'offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre et a décidé, à bon droit, que le médicament litigieux était défectueux ; que le moyen n'est pas fondé ; »

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