Quelle responsabilité en cas de dommages causés par un pesticide ?

Le tribunal administratif de Paris a rendu un jugement très intéressant sur la responsabilité en matière d'utilisation de pesticide.

Saisi par 1 241 requérants d’une action en responsabilité à l’encontre de l’État, le tribunal administratif de Paris a relevé des carences imputables à ce dernier dans l’utilisation du chlordécone. Par contre, il a rejeté les demandes d’indemnisation fondées sur le préjudice d’anxiété.

L’affaire du chlordécone constitue un problème sociétal majeur tout particulièrement sensible en Martinique et en Guadeloupe pour trois raisons. La première est sur le plan procédural : une action pénale a été initiée en 2006 par plusieurs victimes pour mise en danger de la vie d’autrui et empoisonnement qui devrait, après plus de quinze années d’instruction, se clôturer par un non-lieu fondé sur la prescription des faits poursuivis (en mars 2022, les juges d’instruction du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris ont annoncé aux parties leur intention de clôturer le dossier en s’orientant vers un non-lieu. Par ailleurs, deux plaintes ont été déposées l’Association médicale de sauvegarde de l’environnement et de la santé (AMSES) et l’Association guadeloupéenne d’action contre le chlordécone (AGAC) auprès de la Cour de justice de la République contre plusieurs anciens ministres de la Santé et de l’Agriculture – lesquelles ont été déclarées irrecevables pour défaut d’intérêt à agir – suscitant des réactions populaires d’incompréhension. La deuxième est que sur le plan sociologique, elle amène une radicalisation des rapports entre une partie de la population qui tient pour seul responsable de ce désastre environnemental et humain la communauté des planteurs de bananes. Enfin, la troisième raison est d’ordre environnemental et écologique : ce pesticide a abouti à modifier pour des siècles les terres antillaises polluées avec des effets très potentiellement nocifs sur l’ensemble des êtres humains qui y vivent.

Parallèlement à l’action pénale, des requêtes ont été introduites en 2020 à l’encontre de l’État devant le tribunal administratif de Paris par un nombre important de requérants, dont l’association Vivre Guadeloupe, l’association CRAN et le collectif Lyannaj pou Depolye Matinik. Ils demandaient notamment d’annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre et le ministre de l’Agriculture ont rejeté leur demande d’indemnisation, de reconnaître le préjudice né de l’attribution des autorisations provisoires de vente (APV) par l’administration française pour les produits Kepone et Curlone de 1991 à 1993, de reconnaître la carence fautive de l’État dans l’utilisation de ses pouvoirs de police et dans son obligation d’information s’agissant du chlordécone et de reconnaître le préjudice moral d’anxiété pour l’ensemble des personnes ayant résidé depuis plus de douze mois en Guadeloupe ou en Martinique depuis 1972. Nous proposons d’analyser le jugement rendu sous, d’une part, l’angle de la responsabilité de l’État en matière de protection de la santé publique et, d’autre part, l’appréciation du préjudice d’anxiété faite par le juge administratif.

Poursuivre la lecture de cet article écrite par Maître Patrick Lingibé et publié dans la revue de Dalloz Actualité.

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