A quoi sert la Commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux ? Comment puis-je la saisir ?

Les victimes d’accidents médicaux, de maladies dues à des médicaments ou à des traitements prescrits (affection iatrogène), d’infections contractées moins de 48 heures après le début d’une hospitalisation (infection nosocomiale) peuvent saisir la commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CCI).

Ce qu’il faut savoir préalablement : le devoir de prodiguer des soins

Le médecin doit prodiguer des soins consciencieux, dévoués et surtout conformes aux connaissances médicales du temps de son intervention. Ce principe est énoncé à l’article R. 4127-32 du Code de la santé publique :

« Dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents ».  

Il s’agit de ce que l'on appelle le « contrat de soin ». Le médecin n’est pas tenu ici à une obligation de résultat, il s’agit ici d’une obligation de moyens.  Autrement dit, le médecin n’est pas, en principe, responsable s’il ne guérit pas son patient. Le professionnel peut toutefois engager sa responsabilité, notamment s’il commet une faute dans le cadre de ses fonctions.    

Les différents types de fautes médicales

Pour rappel, le médecin peut engager sa responsabilité s’il commet une faute technique.  Elle peut prendre la forme d’une erreur de traitement. Par exemple, il a été jugé que le fait pour un médecin de prescrire des doses de médicaments très supérieures à ce qu’un être humain peut supporter, et ce, même si le patient en question est suivi par plusieurs professionnels de santé, constitue une faute personnelle (Cass. 1ère civ. 16 mai 2013 n° 12-21.338) :  

« Vu l'article 1147 du code civil, ensemble l'article 64 du code de déontologie devenu l'article R. 4127-64 du code de la santé publique ;  

Attendu que l'obligation de tout médecin de donner à son patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science emporte, lorsque plusieurs médecins collaborent à l'examen ou au traitement de ce patient, l'obligation pour chacun d'eux, d'assurer un suivi de ses prescriptions afin d'assumer ses responsabilités personnelles au regard de ses compétences ».  

S’agissant de l’erreur de diagnostic, elle ne constitue une faute technique que si les moyens nécessaires à l’établissement du bon diagnostic n’ont pas été mis en œuvre ou en cas d’erreur manifeste voire grossière. C’est le cas par exemple du médecin qui oublierait de demander à un patient ses antécédents médicaux avant de lui prescrire un traitement (Cass. Crim 18 octobre 2011 n°11-80.653) :

« Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt relève que le fait de ne pas avoir procédé à un interrogatoire sur les antécédents médicaux du patient et à un examen médical complet, s'agissant d'une personne inconnue des services, présentant des douleurs diffuses dans la zone du cou et du thorax et ayant des difficultés pour s'exprimer et se faire comprendre, constituent de la part du prévenu, médecin expérimenté et disposant des compétences et moyens pour exercer ses fonctions, des négligences graves et fautives qui l'ont empêché d'établir un diagnostic éclairé ; que les juges ajoutent que cette faute caractérisée a crée la situation ayant permis la réalisation du dommage en ne permettant pas une prise en charge susceptible d'éviter son décès ; Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu, qui n'a pas pris les mesures permettant d'éviter le dommage, a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer et qui entretient un lien de causalité certain avec le décès de la victime, la cour d'appel a justifié sa décision ; »

Il existe d’autres types de fautes susceptibles d’engager la responsabilité du médecin : la négligence manifeste ainsi que le manquement ou la violation d’une obligation présente dans le Code de la Sécurité sociale ou le Code de la santé publique.  

Comment prouver la faute du médecin ?  

La victime d’accident ou d’erreur médicale doit prouver qu’il a subi un préjudice, une faute du médecin et un lien de causalité entre la faute et le préjudice. Pour ce faire, la victime peut rapporter la preuve par tous moyens : par le truchement de témoignages, expertises médicales, vidéos, photos, par exemple. Contrairement à l’adage juridique : actore non probante, reus absolvitur (le demandeur ne prouvant pas, le défendeur est absous), il arrive que les tribunaux admettent la faute médicale sans que les victimes aient besoin de fournir une preuve. Ainsi, lorsque les juges constatent un dommage anormal, la faute du médecin peut, par exception, être présumée. La présomption simple ayant pour effet de renverser la charge de la preuve comme dans le cas d'une affaire jugée en 2000 par la Cour de cassation (Cass. civ 1ère 23 mai 2000 n°98-20.440) :  

« Attendu que, le 23 janvier 1991, M. X..., médecin stomatologiste, a, en procédant sur la personne de Mlle Y... à l'extraction d'une dent de sagesse, provoqué un traumatisme du nerf sublingual ; que M. X... reproche à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 avril 1998) d'avoir retenu sa responsabilité, alors que le fait pour un médecin de blesser un nerf qui n'était pas visé par son intervention ne révèle aucune faute lorsque, selon le moyen, le trajet du nerf était anormal et ne pouvait être décelé ; Mais attendu que, dès lors que la réalisation de l'extraction n'impliquait pas l'atteinte du nerf sublingual et qu'il n'était pas établi que le trajet de ce nerf aurait présenté chez Mlle Y... une anomalie rendant son atteinte inévitable, la cour d'appel a pu décider que M. X... avait commis une faute dans l'exécution du contrat le liant à sa patiente ».

Selon la gravité du préjudice, la victime d’accident médical peut saisir l’instance de conciliation ou l’instance d’indemnisation de la commission des accidents médicaux.

La saisine de l’instance de conciliation de la commission des accidents médicaux

Il y a trois cas de saisine de la CCI :  

  • Le patient n’est pas satisfait des soins qu’il a reçus ;
  • Le patient est en désaccord avec l’établissement de santé et/ou le professionnel de santé ;
  • Le patient a subi un dommage inférieur au seuil de gravité de 24 %.  

Article L 1142-4 du Code de la santé publique

« Toute personne victime ou s'estimant victime d'un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins ou ses ayants droit, si la personne est décédée, ou, le cas échéant, son représentant légal, doit être informée par le professionnel, l'établissement de santé, les services de santé ou l'organisme concerné sur les circonstances et les causes de ce dommage. Cette information lui est délivrée au plus tard dans les quinze jours suivant la découverte du dommage ou sa demande expresse, lors d'un entretien au cours duquel la personne peut se faire assister par un médecin ou une autre personne de son choix ».    

Article L 1142-5 du Code de la santé publique

« Dans chaque région, une ou plusieurs commissions de conciliation et d'indemnisation sont chargées de faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales, ainsi que des autres litiges entre usagers et professionnels de santé, établissements de santé, services de santé ou organismes ou producteurs de produits de santé mentionnés aux articles L. 1142-1 et L. 1142-2. Toutefois, un arrêté du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la sécurité sociale peut instituer une commission interrégionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales compétente pour deux ou plusieurs régions. La commission siège en formation de règlement amiable des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et en formation de conciliation. Dans le cadre de sa mission de conciliation, la commission peut déléguer tout ou partie de ses compétences à l'un de ses membres ou à un ou plusieurs médiateurs extérieurs à la commission qui, dans la limite des compétences dévolues, disposent des mêmes prérogatives et sont soumis aux mêmes obligations que les membres de la commission ».

Le patient peut saisir cette commission par courrier recommandé en indiquant tous les motifs de sa demande. Si la demande aboutit, le patient et le professionnel de santé sont convoqués et entendus par la commission. La décision de la commission doit être signée par les deux parties.    

La saisine de l’instance de d’indemnisation de la commission des accidents médicaux

Pour pouvoir bénéficier de cette procédure, le patient doit avoir subi un dommage d’une certaine gravité, tout du moins supérieur au seuil de gravité (24%).  

Article L 1142-8 du Code de la santé publique

« Lorsque les dommages subis présentent le caractère de gravité prévu au II de l'article L. 1142-1, la commission émet un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages, ainsi que sur le régime d'indemnisation applicable. L'avis de la commission régionale est émis dans un délai de six mois à compter de sa saisine. Il est transmis à la personne qui l'a saisie, à toutes les personnes intéressées par le litige et à l'office institué à l'article L. 1142-22. Cet avis ne peut être contesté qu'à l'occasion de l'action en indemnisation introduite devant la juridiction compétente par la victime, ou des actions subrogatoires prévues aux articles L. 1142-14, L. 1142-15 et L. 1142-17. La commission saisit l'autorité compétente si elle constate des manquements susceptibles de donner lieu à des poursuites disciplinaires. Lorsque les dommages résultent d'une infection nosocomiale présentant le caractère de gravité prévu à l'article L. 1142-1-1, la commission signale sans délai cette infection nosocomiale au directeur général de l'agence régionale de santé ainsi qu'à l'office institué à l'article L. 1142-22 ».  

De manière exceptionnelle, le caractère de gravité nécessaire pour user de cette procédure peut être reconnu lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant l’accident médical ou lorsque l’accident médical occasionne des troubles d’une particulière gravité au regard des conditions d’existence du patient, y compris d’ordre économique.

Six mois après sa saisine, la commission rend son avis et indique si le médecin ou l’établissement de santé est ou non responsable.

  • Soit la commission estime que le dommage engage la responsabilité du médecin ou de l’établissement de santé, le cas échéant, ces derniers doivent faire une offre d’indemnisation que le patient et libre d’accepter ou de refuser.
  • Soit, la commission estime que ni le médecin ni l’établissement de santé ne sont responsables.    

Absence de responsable et indemnisation

Lorsque ni le médecin, ni l’établissement de santé ne sont responsables, le patient peut tout de même obtenir une indemnisation, celle-ci étant soumise à certaines conditions.   La CCI, qui est saisie, peut transmettre son avis à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) pour une indemnisation malgré l’absence de responsable.   L’Oniam, qui examine la demande, n’est pas tenue de suivre l’avis de la CCI et rend sa décision sous quatre mois.  

Pour obtenir réparation, le préjudice doit être directement imputable à un acte médical, avoir des conséquences anormales au regard de l’état de santé du patient et présenter une certaine gravité.

Bon à savoir :  La procédure ainsi que les expertises médicales sont entièrement gratuites. La CCI présente des garanties d’indépendance et d’impartialité, elle est également tenue au secret professionnel.

Article L. 1142-6 du Code de la santé publique

« Les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales sont présidées par un magistrat de l'ordre administratif ou un magistrat de l'ordre judiciaire, en activité ou honoraire. Elles comprennent notamment des représentants des personnes malades et des usagers du système de santé, des professionnels de santé et des responsables d'établissements et services de santé, ainsi que des membres représentant l'office institué à l'article L. 1142-22 et les entreprises d'assurance. La composition des commissions régionales et leurs règles de fonctionnement, propres à garantir leur indépendance et leur impartialité, ainsi que la procédure suivie devant ces commissions sont déterminées par décret en Conseil d'État. Les frais de fonctionnement des commissions sont assurés par l'office institué à l'article L. 1142-22. Celui-ci leur apporte également un soutien technique et administratif, notamment en mettant à leur disposition le personnel nécessaire. Les membres des commissions et les personnes qui ont à connaître des documents et informations détenus par celles-ci sont tenus au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. »  

Attention, le patient qui accepte l’offre du fonds d’indemnisation doit renoncer à une action devant les tribunaux. Le recours à un avocat est plus que recommandé car l’indemnisation exige des connaissances techniques que tout un chacun ne maîtrise pas.  

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